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Les joueurs de foot sont-ils devenus des produits financiers ?

La spirale inflationniste dans le monde du football ces dernières décennies attise de plus en plus d’interrogations quant aux mécanismes sous-jacents régissant son modèle économique. Pour bien comprendre, il convient d’abord de mettre en avant la popularité croissante d’un sport qui s’exporte de plus en plus, au point de se développer dans des pays pourtant culturellement attachés à des disciplines bien différentes (Chine, États-Unis). La nouvelle exposition médiatique du ballon rond dans les plus grandes puissances mondiales mène à une explosion des droits TV, qui constituent la majeure partie du revenu des clubs.

Les joueurs : nouvelle mine d’or pour les fonds d’investissement

Cette croissance exponentielle du budget des clubs représente une véritable mine d’or pour les investisseurs à la recherche de profits, qui plus est sur un marché international caractérisé par des disparités juridiques et l’absence de régulation par un organe central (du moins sur le plan pratique). Comme pour n’importe quelle entreprise, les fonds d’investissement s’intéressent aux actifs les plus rentables des clubs : les joueurs. S’échangeant contre plusieurs dizaines voire des centaines de millions d’euros, les jeunes talents prometteurs permettent de générer de juteuses plus-values. La multiplication des transferts devient un incubateur de rentabilité, notamment depuis l’arrêt Bosman, qui donne la possibilité aux clubs européens de disposer d’un nombre illimité de joueurs communautaires. Historiquement dérégulés, les autres marchés porteurs comme l’Amérique du Sud se révèlent dans le même temps d’attractives opportunités non seulement par leur environnement légal, mais aussi par leur modèle économique, précisément bâti sur l’exportation de jeunes joueurs à fort potentiel de l’autre côté de l’Atlantique.

Les joueurs : l’équivalent humain des starts-ups

Fonds d’investissement, agents, acteurs économiques divers et parfois joueurs eux-mêmes s’octroient des droits économiques et droits à l’image pour un montant donné. Dans le cadre d’un premier contrat ou d’un transfert, le ou les propriétaires du joueur participent avec le club acquéreur à l’investissement, en contrepartie d’une potentielle plus-value à la revente. Ceci permet aux petits clubs de pouvoir acquérir plus facilement des joueurs coûteux à fort potentiel, et aux investisseurs de bénéficier d’un retour sur investissement. Tant que le joueur est amené à prendre de la valeur, les propriétaires conservent voire gonflent leurs parts. Une fois que le joueur atteint pleinement son potentiel, les investisseurs cèdent leurs parts au dernier club acheteur afin de réaliser leur plus-value.

Multipropriété, vecteur de conflits d’intérêts

Si les disparités juridiques et le vide de réglementation incitent à la spéculation, la dimension internationale du football en fait un marché particulièrement attractif pour les investisseurs. À la limite de la légalité, la multipropriété des joueurs n’est dans tous les cas pas dépourvue de dérives et d’effets pervers sur la liberté des joueurs, voire sur la politique sportive des clubs, qui prennent paradoxalement un rôle de catalyseur. Alors que la France, l’Angleterre, et plus récemment la FIFA au regard de l’article 18 bis de son règlement cherchent à encadrer la multipropriété des joueurs, d’autres pays comme l’Espagne et le Portugal continuent à favoriser de telles pratiques. Les cas d’Eliaquim Mangala, Geoffrey Kondogbia et Dorlan Pabon ont ainsi mis en lumière une dépendance certaine des joueurs à l’égard des investisseurs, sans parler des risques d’ingérence et de conflits d’intérêts.

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